Bien qu'Amélie et Clara ne se soient pas rencontrées dans la vie réelle, leur participation au projet crée entre elles une rencontre indirecte. Lors de leurs entretiens, elles sont mutuellement curieuses de connaître, d'un côté, le processus derrière la création et, de l'autre, quelle sera la réaction à l'œuvre. Leurs interprétations de l’œuvre divergent légèrement, mais sont également d'une intéressante complémentarité.
« [Lire son témoignage], on dirait que c'était personnel. J'étais dans sa vie. [...] C'était comme si j'étais rentrée dans sa tête? Le mettre à la danse, moi c'est plus comme un automatisme. Parce qu'on dirait que j'ai fait ça tellement longtemps, une fois que c'est transmis, c'est comme... ouais. Mais le lire, on dirait, j'ai trouvé que c'était la partie vraiment [intéressante et nouvelle pour moi]. »
« [Ç]a me faisait penser à moi enfant, surtout. Pas en contrôle de ton corps, ou de tes sens. »
« Je voyais pas mal [l’anxiété]... si je le dis en anglais, « self-inflicted » […] Mais t’sais,« self-inflicted », pas dans le sens "Je fais exprès pour me le faire à moi-même.", mais clairement comme si mon corps jouait contre moi, t’sais? [...] comme si l'anxiété prenait le contrôle du corps puis jouait contre moi, était comme... un ennemi. C’est comme ça que je le voyais, surtout dans ses mouvements, quand elle s'enfargeait [...] puis elle se poignardait, puis elle essayait de se lever, puis ça marchait pas. Je le voyais vraiment comme si c'était une entité qui prenait le contrôle de son corps puis qui jouait contre elle. Mais clairement que y'avait une autre partie de son corps qui essayait de se battre contre ça. »
« Quand je suis dans mes phases d'anxiété, c'est vraiment... dans ma tête, ça part d'un bord puis de l'autre [rire]... c'est vraiment..., bien ça déboule, puis y'a plein de... Si je devais la retracer, ça serait un arbre avec plein de branches, puis là y'a plein d'autres branches qui arrivent et ça devient vraiment stressant, puis l'arbre se transforme en autre chose... ça devient vraiment intense. »
« [À] un moment donné, elle parlait de comment c'était comme un cercle vicieux : tu penses toujours que t'es anxieux, donc là, t'es encore plus anxieux, donc là, tu penses encore plus que t'es anxieux. [...] On dirait que j'essayais de me visualiser, mettons, "C'est quoi un cercle vicieux?". Dans ma tête, un cercle vicieux, c'est que t'es pris dedans, puis ça se répète, puis ça se répète, puis dans ta tête, t'es comme "Pourquoi, pourquoi, pourquoi?", puis là, parce que tu te dis, "Pourquoi, pourquoi, pourquoi?", c'est encore pire. Pour moi, ça se concrétise en des mouvements répétés, puis, après ça, tu penses que tu vas rester dans ce mouvement-là, mais tu trouves quelque chose pour [t'échapper]..., donc là, ça s'enfile dans un autre mouvement. »
« J'ai vraiment aimé ça. J'étais vraiment intéressée de voir comment mon témoignage, mon expérience pouvait être transmise dans un... dans de l'art. »
«[J']aimerais ça savoir aussi... je sais pas si tu vas me le dire ou plus me poser des questions, mais... ce que l'artiste... quel morceau elle a pris, puis qu'est-ce qui... quels morceaux du témoignage, puis pourquoi tel mouvement... ça serait intéressant. Mais, j'étais vraiment... c'était comme voir ton anxiété qui prend une forme humaine. »
« [J]'espère que la personne qui va regarder, elle va un peu reconnaître ce que j'ai essayé de faire... parce que c'est sûr que [l'adaptation] justement, c'est interpréter comment moi je l'ai interprété, mais j'aimerais ça qu'elle se reconnaisse ou qu'elle reconnaisse un peu ce que j'ai essayé de faire... et pas que ce soit comme "Tu sais quoi, je comprends pas vraiment... " [rire]. Ça va peut-être être ça, je sais pas, mais... j'espère qu'elle va connecter un peu avec ça, puis, j'espère que ça va la faire sentir que, dans le fond, elle est pas toute seule, puis que je sais pas, que y'a d'autres gens qui... t’sais, sont là pour elle, même s’ils la connaissent pas. »